Lecture de « La Promesse de l’Aube », un « roman presque autobiographique », édité chez Gallimard dans la belle collection NRF, de Romain Gary qui nous parle de sa mère, beaucoup, mais aussi de Nice et de la Côte d’Azur. Quelques citations et modestes réflexions concernant les attaches azuréennes de l’écrivain niçois, d’adoption.
"La Promesse de l’Aube" de Romain Gary le Niçois
Histoire d’un jeune polonais élevé seul par sa mère. On sait le lien entre Nice et la Pologne par exemple à la chapelle du Saint Sépulcre, place Garibaldi, ou même au niveau du Majestic au bas du boulevard de Cimez. Une mère étouffante, excessive, assurément toxique mais follement aimante. D’un amour qui donne confiance et libère, donne des ailes. Une mère qui transpose à peu près tous ses désirs de revanche sur le monde sur les épaules de ce fils qui finira diplomate français, gaulliste sans condition plutôt qu'inconditionnel, aviateur de guerre, écrivain célèbre et niçois d’adoption.
Nice et la France, Eldorado et terre promise pour beaucoup
Période trouble de l’entre deux guerres au fin fond de l’actuelle Lituanie aux paysages gris et cette femme qui promet le ciel bleu d’ici à ce jeune garçon. Une vie trépidante, loin d’un petit train train quotidien, écorché vif amoureux d’aventures, des femmes et de la vie. A en mourir. Romain Gary, dont une bibliothèque porte le nom à Nice, évoque à nombreuses reprises ses souvenirs niçois. La pension de famille tenue par sa mère boulevard Grosso, la marché de la Buffa, le lycée Masséna, la Promenade des Anglais reviennent régulièrement au fil des pages de « La promesse de l’aube ». Un petit livre, à consulter, « Romain Gary Promenade à Nice » aux éditions « Baie des Anges », écrit par Carine Marret la spécialiste, entre autre, de Gary à Nice, vous propose de manière exhaustive son parcours sur la Côte d’Azur.
Nice ville cosmopolite
Nice qui fait rêver le monde entier. Nice inventrice, d’une certaine manière, du tourisme international. Nice passerelle entre les Alpes et la mer. Nice trait d’union entre Turin, le Piémont et la méditerranée. Nice inévitable passage entre la Provence et l’actuelle Italie, et ce depuis les âges préhistoriques comme en témoigne Terra Amata et la grotte du Lazaret dans le quartier du Port. Nice et la Côte d’Azur terre d’accueil aussi bien pour la jet-set internationale que pour les hordes de touristes en quête d’émerveillements etc... L’identité de la ville passe indiscutablement par le monde qu’elle n’a eu cesse d’accueillir. Si vous aviez un doute et plutôt qu’une longue énumération ici, n’hésitez pas à consulter la page Wikipédia consacrée aux personnalités niçoises pour vous en convaincre.
Conquis par ce livre, haletant et magnifiquement écrit, dont nous vous recommandons la lecture notamment pour son regard sur Nice, nous avons retenu quelques courts extraits relatant, entre autre, l’enthousiasme de Romain Gary pour Nice :
Au sujet de Nice et de la Côte d’Azur
- Nous nous installâmes, dans une pension de famille, rue de la Buffa… ...je courus renouer mon amitié avec la mer. Elle me reconnut tout de suite et vint me lécher les doigts de pied ».
- Le marché de la Buffa, plus petit que celui de la vieille ville...desservait principalement les pensions de la région du boulevard Gambetta. C’était un lieu d’accents, d’odeurs et de couleurs...d ‘énormes bottes d’œillets et de mimosa trouvaient toujours moyen de surgir inopinément. ...Chaque fois que je reviens à Nice, je me rends marché de la Buffa. J’erre longuement parmi les poireaux, les asperges... »
- ...après quinze ans en contact avec la réalité française, à Nice, où nous étions venus nous établir,…elle continua à évoquer, avec le même sourire confiant, ce pays merveilleux qu’elle avait apporté avec elle dans son balluchon... »
- ...Sa Majesté La reine Élisabeth d’Angleterre ...passait mon escadrille en revue...s’arrêta devant moi...me demanda de quelle région j’étais originaire. Je répondis, avec tact, « de Nice » afin de ne pas compliquer les choses... »
- ...le seul exploit que je pus accomplir...fut de gagner le championnat de Nice de ping-pong en 1932. »
- ...je m’entraînais tous les jours à la « grande bleue», un établissement balnéaire aujourd’hui disparu - mais je ne parvins qu’à me classer onzième dans la traversée de la Baie des Anges - et, une fois de plus, je dus me rabattre vers la littérature comme d’autres ratés. »
- Sur la Promenade des Anglais : « Mais la plus vieille civilisation du monde, avec sa compréhension souriante de la nature humaine et de ses faillibilités, avec son sens du compromis et des arrangements, vint à mon secours. La méditerranée vivait depuis trop longtemps avec le soleil pour le traiter en ennemi et elle pencha sur moi son visage aux mille pardons ».
- ...chaque olivier était un signe d’amitié et la Méditerranée venait vers moi par dessus les cyprès et les pins... » « ce paysage où les oliviers, les vignes, les orangers semblaient accourus de toutes parts pour m’accueillir... »
Au sujet de sa mère :
- ...l’extravagance extraordinaire de ma mère...et surtout sa détermination de maintenir coûte que coûte une façade de prospérité, de ne pas laisser la rumeur se répandre que l’affaire périclitait car, dans le snobisme capricieux qui pousse la clientèle à accorder ses faveurs...le succès joue un rôle essentiel : au moindre signe de difficultés matérielles ces dames font la moue, s’adressent ailleurs ou s’appliquent à vous arracher un prix de plus en plus bas, accélérant ainsi le mouvement jusqu’à la chute finale. »
- Notre situation financière s’aggrava à cette époque une fois de plus. La crise économique de 1929 avait à présent ses répercussions sur la Côte d‘Azur... ».
- Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. »
Autres citations de Romain Gary dans "La promesse de l'aube" :
- Décidé à faire dans le génie, je n'arrivais qu'à manquer de talent. »
- L'humour est une déclaration de dignité, une affirmation de la supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive. »
- Il y a longtemps que je ne crains plus le ridicule; je sais aujourd'hui que l'homme est quelque chose qui ne peut pas être ridiculisé. »
- Au sujet de sa compagne africaine : « ...elle avait des yeux où il faisait si bon vivre que je n’ai jamais su où aller depuis. »